Wuambushu: au-delà de l’échec d’une opération de police, l’abandon de Mayotte par la France

Par Génération•s

Depuis que l’opération Wuambushu (reprise en mahorais) visant à expulser les étrangers en situation irrégulière et à détruire les bidonvilles (bangas) a commencé le 24 avril dernier, les projecteurs se sont braqués sur Mayotte. Cette opération militaro-policière était censée marquer le retour de l’État sur un territoire dont la départementalisation en 2011 avait fait polémique. Pour rappel, au cours du référendum de 2009, 93% des Mahorais avaient exprimé, à travers le choix de cette départementalisation, un attachement clair à la République.

L’opération Wuambushu est d’ores et déjà un échec puisqu’elle fait l’objet d’une double entrave. Une entrave en droit tout d’abord avec la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou qui a ordonné la suspension immédiate de l’évacuation du bidonville dit Talus 2 de Majicavo, dans le nord de l’île de Grande-Terre, après avoir constaté « l’existence d’une voie de fait » dans les conditions d’expulsion jugées « irrégulières » des populations concernées. La justice estime que « la démolition des habitations voisines de celles des requérants les fragilisera, ne sera pas sans effet sur leur stabilité, et aura un impact certain sur leur sûreté » ; et externe ensuite, avec le refus du Moroni d’accueillir les ressortissants comoriens en situation irrégulière expulsés.

Au-delà, Génération·s considère que Wuambushu de par ses modes opératoires, allant jusqu’à ouvrir le feu à 12 reprises en tirant vers le sol pour repousser la population civile, ne saurait représenter une réponse à la hauteur des problèmes structurels auxquels ce territoire de la République est confronté.

En effet, outre un fort taux de déscolarisation et de délinquance, 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté – faisant de Mayotte le département le plus pauvre de France –, 10 000 enfants ne sont pas scolarisés, 45% des habitants renoncent aux soins. Matériellement, la dotation par habitant y est quatre fois moindre que pour le reste du territoire national. Des milliers d’enfants souffrent de « précarité alimentaire massive » selon un rapport conjoint de six ministères de janvier 2022.

Ce degré d’inaccessibilité aux droits les plus élémentaires constitue une faillite et un abandon de la France bien loin de l’égalité républicaine.

Cette désespérance sociale reflète des maux structurels – un mal développement également caractéristique des Comores – qu’une opération militaro-policière ne saurait résoudre. Au contraire, elle va amplifier les drames que traversent bon nombre de nos concitoyen·nes mahorais·es et les exilé·es présent·es sur l’île. On ne combat pas la misère sociale par la répression en désigant les étrangers comme boucs émissaires.

  • Génération•s appelle donc à la suspension de l’opération Wuambushu, à tout le moins, sa limitation à la seule répression de la délinquance.
  • Génération•s demande que l’État se saisisse de la problématique mahoraise en lançant un plan Marshall visant la mise à niveau des services publics et des infrastructures aux standards que connaissent les autres territoires de la République.
  • Enfin, Génération•s invite le gouvernement à se rapprocher des Comores afin d’échanger sur une évolution des modalités de l’aide publique au développement afin d’offrir des perspectives à une jeunesse qui n’a pas d’autre choix qu’opter pour un ailleurs souvent impossible.

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