Nous demandons la suppression de la BRAV-M

Visuel Nous demandons la  suppression de la BRAV-M
Par Génération•s

Incapables de respecter le débat parlementaire ou de répondre aux attentes des Françaises et des Français qui se mobilisent pour faire entendre leur voix dans le calme depuis des semaines, le Président de la République, la Première ministre et le Ministre de l’intérieur, face à la colère croissante de nos compatriotes tentent en dernier recours de décourager toute mobilisation en choisissant la stratégie de la tension et la répression violente.

Les images qui se multiplient sont indignes de la France, pays des droits de l’Homme. À l’origine de nombreux dérapages, les Brigades de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M), créées en 2019, à la demande d’Emmanuel Macron, sont l’incarnation d’une doctrine de « maintien de l’ordre » indigne d’un pays démocratique.

La structure même de leurs formations par groupes de deux, motorisés, appelés à intervenir sur des scènes qu’ils ne connaissent pas, parallèlement aux autres brigades, génère des actions individuelles hors cadre. Ce mode d’action est un risque intrinsèque de dérive, tout comme la stratégie choisie par le Gouvernement qui met en danger passants et manifestants mais également des forces de l’ordre déjà épuisées par des années de tensions sociales dûes à des décisions gouvernementales injustes.

La BRAV-M constitue en ce sens bien plus un outil politique d’organisation du désordre qu’une brigade au service du maintien de l’ordre. Pour preuve, les centaines d’arrestations arbitraires qui saturent les commissariats pour se solder par une absence totale de poursuite.

Cette brigade génère rancœur et ressentiment au sein de la population et divise alors que dans les cortèges, les syndicats de policier·es défilent parmi les citoyennes et que dans leur très large majorité, ils et elles émettent leurs doutes face à cette stratégie de « maintien de l’ordre » par la tension et la répression.

En matraquant aveuglément des manifestantes pacifiques, en ne se soumettant à aucune hiérarchie, en poursuivant puis en roulant sur des piétons à moto, en arrêtant sans justification des centaines de personnes, issues des manifestations ou non, les BRAV-M nous ramènent à un autre temps.

Les nombreux témoignages de l’usage d’une violence physique et verbale injustifiées, exigent une réponse rapide. Faudra-t-il attendre qu’un drame se produise pour que les BRAV-M soient supprimées ? Le gouvernement n’a-t-il rien appris de l’Histoire, lorsqu’en 1986 des « voltigeurs » tuaient Malik Oussekine en marge d’une mobilisation ?

Nous exigeons formellement la suppression immédiate des BRAV-M, sous la mainmise directe du Préfet de police contrairement aux CRS qui ont un commandement ou un capitaine qui relaie les ordres du commissaire sur le terrain et peuvent les adapter.

Nous exigeons le retour à une doctrine de maintien de l’ordre où la police de la République aura à nouveau les moyens de remplir son rôle de protection de la population. Chaque citoyenne doit se sentir libre d’exprimer et de manifester son opinion sans avoir à craindre pour sa propre sécurité.

Il y a urgence à réconcilier le peuple et sa police ; cela passe nécessairement par un changement de doctrine et la suppression de la brigade qui en est le symbole.

Au-delà de l’action des BRAV-M, de nombreux témoignages, vidéos et plaintes font état de manquements déontologiques dans le maintien de l’ordre au cours des événements des derniers jours. Le 19 janvier, à Paris, un jeune photographe était grièvement blessé et a dû être amputé d’un testicule. Le 14 mars, à Nantes, quatre étudiantes ont déposé plainte pour « violences sexuelles par dépositaire de l’autorité publique » après avoir subi une fouille au corps, des palpations et des propos dégradants et humiliants lors d’une nasse par la police.

Le Syndicat des avocats de France dénonce une « réaction une fois de plus démesurée et particulièrement violente » face aux mouvements spontanés, citant notamment l’utilisation de la technique de la « nasse » consistant à encercler et retenir un groupe de manifestants sans leur laisser d’issue. En juin 2021, le Conseil d’État avait annulé les dispositions sur la « nasse » dans le Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO). Il considérait que cette technique était « susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir » lorsqu’elle ne laisse pas d’échappatoire. Elle a été cependant rétablie dès décembre 2021 et peut depuis être utilisée « pour prévenir ou faire cesser des violences graves et imminentes contre les personnes et les biens » même si elle ne doit être mise en œuvre « que pendant une durée strictement nécessaire et proportionnée ». Des dispositions floues qui permettent au Préfet de police de Paris, Laurent Nunez, d’assumer cette pratique publiquement.

Enfin, le nombre considérable d’interpellations et de gardes à vue, y compris de mineurs, non justifiées rappellent les interpellations « préventives » assumées par le parquet de Paris lors du mouvement des gilets jaunes en 2018-2019. Ainsi, le 16 mars, 292 personnes ont été arrêtées à Paris pour un résultat judiciaire ridicule : seules neuf d’entre elles ont été déférées devant la justice pour des avertissements probatoires solennels, des classements sous condition ou encore une contribution citoyenne, soit les sanctions les plus basses possibles. Le syndicat de la magistrature le soulignait le 21 mars sur Twitter : “les gardes à vue de masse qui ont été décidées sont pour nous un véritable détournement de l’appareil judiciaire au service du maintien de l’ordre”.

Parmi elles, on compte des citoyens qui passaient par là par hasard ainsi que des journalistes. Le SNJ (Syndicat national des journalistes) a réaffirmé dans un communiqué qu’arrêter des journalistes est inadmissible, les placer en garde à vue l’est encore davantage.

Le Syndicat des avocats de France s’inquiète également de charges sans sommation, de coups de matraques aléatoires et d’une « intimidation des manifestant·es ». Il appelle le ministère de l’Intérieur à « mettre un terme immédiatement à cette escalade de la violence » et les magistrats à « faire preuve d’indépendance et de responsabilité » devant les affaires qui leur sont confiées par la police.

Un appel manifestement ignoré par le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti qui a, au contraire, demandé « une réponse pénale systématique et rapide » à l’encontre des manifestants interpellés en marge des rassemblements contre la réforme des retraites pour « troubles graves à l’ordre public », « atteintes aux personnes et aux biens » et « actes d’intimidation et menaces contre les élus ». Il n’a pas hésité à faire pression sur les magistrats en demandant aux procureurs “d’apprécier la possibilité de retenir les qualifications de l’article qui dispose qu’est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende le fait d’user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation” à l’encontre d’un élu, et de “veiller à apporter aux procédures conduites dans ce contexte une réponse pénale systématique et rapide ». Bien peu de préoccupations portées aux manifestant.e.s blessé.e.s et beaucoup d’égards pour quelques permanences taggées ou dégradées ! Dans un communiqué diffusé lundi 20 mars, le Syndicat de la magistrature rappelle que « l’autorité judiciaire n’est pas au service de la répression du mouvement social » et déplore une « utilisation dévoyée de la garde à vue qui illustre les dérives du maintien de l’ordre, qui détourne l’appareil judiciaire pour le mettre entièrement à son service ».

Préoccupée par les vidéos circulant sur les réseaux sociaux, de nombreux articles de presse, des témoignages et saisines reçus par son institution, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a tenu à rappeler ses recommandations dans un communiqué de presse du 21 mars [1].

Autorité administrative indépendante, l’institution chargée de veiller au respect des règles de déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité, demande d’encadrer strictement les contrôles d’identité, les fouilles et les filtrages, dans le respect des libertés individuelles et les conditions conformes aux règles déontologiques ; de s’assurer que “l’encagement” est utilisé de manière nécessaire et proportionnée, dans les conditions prévues par la décision du conseil d’Etat du 10 juin 2021 sur le Schéma national du maintien de l’ordre, notamment en prévoyant systématiquement un point de sortie ; de recentrer le maintien de l’ordre sur la mission de police administrative de prévention et d’encadrement de l’exercice de la liberté de manifester, dans une approche d’apaisement et de protection des libertés individuelles. Enfin, la Défenseure des droits alerte sur les conséquences d’interpellations qui seraient préventives de personnes aux abords des manifestations et souligne que cette pratique peut induire un risque de mesures privatives de liberté de manière disproportionnée.

Génération.s tient à souligner d’une part la primauté des droits fondamentaux et des libertés publiques et, d’autre part la nécessité de rétablir la confiance des citoyen.ne.s dans leurs institutions, au premier rang desquelles la police afin que la France n’apparaisse plus comme un « pays où les libertés ne sont plus un droit mais une concession du pouvoir, une faculté susceptible d’être réduite, restreinte, contrôlée autant dans sa nature que dans son étendue ».[2]

Pour restaurer l’exemplarité de nos forces de l’ordre quant au respect du droit, nous proposons de refonder l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) et l’IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale) en les plaçant sous la tutelle du Défenseur des droits et d’appliquer une politique exemplaire en matière déontologique (inspections régulières, sanctions exemplaires …) en renforçant la responsabilité de la chaîne hiérarchique.

Pour des forces de l’ordre réformées et réhabilitées au service de la démocratie et des citoyen.nes, il importe d’encadrer l’usage des armes « de force intermédiaire » (gaz lacrymogènes, grenades de désencerclement), de mettre un terme à la technique de « nasse » et aux formes illégales d’interpellation, et de limiter les contrôles d’identité et les fouilles en expérimentant le récépissé de contrôle d’identité.
Nous proposons de développer, à l’inverse, les méthodes de « mise à distance » pratiquées dans d’autres pays par une gestion concertée de l’espace public, des unités de dialogue, les techniques de désescalade, les formations à la médiation…

[1] Communiqué de presse – rappel des recommandations sur le respect des règles de déontologie par les forces de sécurité (21/03/2023)
[2] François Sureau, « Sans la liberté », p.21

aucun commentaire

Écrire un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.