Meeting numérique sur les libertés : Intervention d’ouverture de Benjamin Lucas

Visuel Meeting numérique sur les libertés : Intervention d’ouverture de Benjamin Lucas
Par Génération•s

Cédric Chouviat

Steve Maia Caniço

Zineb Redouane

Aboubacar Fofana

Adama Traoré

Rémi Fraisse

Zyed Benna

Bouna Traoré

Malik Oussekine

Ces noms, parmi tant d’autres, résonnent à nos oreilles comme un rappel qui devrait troubler nos consciences.

Puisque nous parlons ce matin de liberté, et de ce qui fait la dignité de la République, je veux penser à toutes les victimes de violences policières, frappées, humiliées, parfois tuées. Je pense bien-sur, comme chacune et chacun de vous, à ces images, qui, encore ces jours derniers, nous ont glacé le sang.

Chaque tir de LBD, chaque coup de poing ou de matraque sans aucune justification de sûreté des populations ou des gardiens de la paix, chaque injure raciste ou contrôle au faciès, est une marque indélébile sur le pacte Républicain.

La République va mal, attaquée sans relâche par les obscurantismes, affaiblie depuis longtemps par le libéralisme, abîmée trop souvent par le macronisme.

Rarement dans notre Histoire nous n’avons eu autant besoin de République.

Rarement dans notre Histoire, la République n’aura été aussi mal servie par ceux dont c’est la mission.

Emmanuel Macron peut bien prendre des airs indignés devant des images qui choquent nos consciences, peut bien porter la compassion en bandoulière, peut bien prononcer de grands et beaux discours empreints d’un lyrisme certain, il peut bien lancer tous les numéros verts et sondages qu’il veut, il ne peut s’exonérer de sa responsabilité.

Quand on est Président de la République, on peut, on doit joindre les actes à la parole.

Oui, nous mettons en cause le Président de la République.

Nous mettons en cause le Président de la République quand il nomme Gérald Darmanin ministre de l’Intérieur – dont nous attendons toujours la démission, lui qui a reconnu avoir échangé une aide d’élu contre des relations sexuelles. A l’heure de MeTOO, comment peut-on encore le tolérer ?

Un ministre de l’intérieur qui va jusqu’à emprunter à l’extrême droite ses mots et ses références. Un ministre de l’Intérieur qui se comporte davantage comme le porte-parole d’un syndicat policier d’extrême droite que comme un ministre de la République.

Et je veux ici en notre nom réclamer qu’en urgence, pour rétablir la confiance de nos concitoyens envers leur Police républicaine et pour combattre le fléau du racisme et des discriminations, soit mise en place, enfin, l’attestation de contrôle d’identité. Un bout de papier et un stylo, ce n’est pas grand chose alors que chaque citoyen fait l’effort quotidien de remplir une attestation pour aller acheter sa baguette de pain ou promener son chien.

Je veux dire aussi, et ile le faut au regard, là encore d’images choquantes, notre immense respect et notre soutien aux policiers, qui gendarmes, comme aux pompiers qui remplissent leur devoir avec dévotion et dans le respect des valeurs de la République. Je veux dire aussi que nul démocrate ne saurait tolérer les menaces, les insultes, les violences à l’égard de ceux qui assurent notre protection.

Nous mettons en cause le Président de la République, quand il agit en chef de clan plus qu’en gardien des institutions, comme nous l’a pathétiquement démontré l’affaire Benalla. Chef de clan, il l’est aussi en maintenant en fonction un préfet de police de Paris qui est indigne, et j’assume le terme, de la belle et grande mission qui est la sienne, qui maintient le désordre par une brutalité inacceptable. Cette doctrine, le mot est fort pour décrire une obsession compulsive de tension, est aussi, une source de souffrance pour les policiers, qui sont épuisés, soumis à une pression intenable et à rôle un qui n’est pas le leur.

Nous mettons en cause le Président de la République quand il porte une législation liberticide, porte atteinte à la liberté de la presse, fait expulser par la violence des exilés au mépris de toute humanité. Et qu’on ne parle pas de simple dérive, quand il s’agit en réalité de l’aboutissement logique d’un repli autoritaire et sécuritaire d’un pouvoir si régulièrement contesté.

Nous mettons en cause le Président de la République quand il trahit les millions de suffrages portés sur son nom uniquement pour faire barrage à l’extrême droite.

Emmanuel Macron avait le devoir historique d’être le rempart, il aura été la passerelle qui permet aujourd’hui à l’extrême droite de s’asseoir au pas de porte du pouvoir.

L’extrême-droite, ennemie par nature des libertés, de la liberté. L’extrême droite, elle est désormais l’objet d’un juteux business. Car oui, aujourd’hui, le racisme décomplexé, le sexisme assumé, l’homophobie revendiquée, la pauvrophobie exacerbée, sont de sérieux atouts pour bénéficier d’une bonne tranche d’antenne, d’un meeting télévisé, d’une tribune médiatique sans filtre et sans limite, à horaires de grande écoute, avec copieux salaire à la clef. Pourquoi s’en priver !

Ceux que l’on appelle avec une hypocrite pudeur « polémistes » et qui sont en réalité des ventilateurs de haine sont coupables.Coupables Zemmour et CNews d’ancrer dans les esprits la peur et le repli.Coupables Zemmour et Cnews de diffuser mensonges et fantasmes de complots.Coupables Zemmour et Cnews d’inciter à la guerre civile.

Je veux le dire ici, si nous avons cru, et moi parfois, qu’aller sur ces plateaux pour ne pas laisser le monopole de la parole à ces individus malfaisants était la solution, nous nous sommes trompés. Car il faut le dire, la démocratie n’est pas une neutralité, c’est un socle de valeurs. Et toutes les paroles ne se valent pas. La parole d’un raciste n’est pas l’expression d’une opinion avec laquelle il faut débattre, c’est une abomination qu’il faut combattre.

Tant que Zemmour continuera a recevoir le salaire de la haine sur CNews, aucun représentant Génération.s n’ira sur aucune des émissions de la chaîne.

La laïcité est le nouveau terrain de jeu de l’extrême qui l’a pourtant tant combattue par le passé. Elle s’en sert comme d’une tenue de camouflage pour avancer sous les traits d’un politiquement correct de façade, son idéologie mortifère.

L’extrême droite aime la laïcité quand elle n’est pas la laïcité. Elle a, avec elle, le même rapport qu’avec la démocratie ou le financement de la vie politique, une vision très élastique.

Mais, nous le disons solennellement : nous ne la laisserons instrumentalisée ni par ceux qui braillent pour en faire un instrument qui contredit ce principe de liberté magnifiquement gravé dans la loi de 1905, ni par ceux qui voudraient la briser et donne à je ne sais quel dogme religieux une force supérieure à la loi de la République.

Je veux dire à nos amis de la gauche, avec sincérité et bienveillance qu’il nous faut ensemble faire bloc quand on voudrait nous diviser. Sur nos seules épaules repose désormais le poids d’une digue à rebâtir.

Ne tombons pas dans les pièges qui nous sont tendus. La vallsisation des discours à ancré dans les têtes les thèmes et les termes de l’extrême droite. A ce jeu là, c’est toujours elle qui gagne.

Le degré de crédibilité d’un dirigeant de gauche ne se calcule pas au nombre de mots qu’il emprunte à Le Pen, même pour la combattre avec la plus grande des fermeté.Nous devons gagner chaque bataille du moment, parce que toutes sont vitales.

Car, si nous perdons ces batailles maintenant, alors les générations qui nous succéderont devront se battre pour rétablir des libertés perdues et non pour en conquérir de nouvelles.Accepterons-nous que, dans 20 ans, on doive expliquer à nos enfants ce qu’était la liberté de la presse ?

Il en va des libertés comme du vélo, quand on cesse d’avancer, on tombe.

Alors, plutôt que d’agiter des querelles de bac à sable entre-nous, de nous caricaturer les uns et les autres, portons ensemble de nouvelles conquêtes pour les libertés.

Plus ils veulent nous faire reculer, moins nous devons nous résigner. Plus ils essayent de déplacer le curseur de la démocratie, plus il faut chercher à le repousser. Entendons-nous sur l’essentiel.

Lors de la dernière campagne présidentielle, interrogé par des enfants sur la différence entre la gauche et la droite, Emmanuel Macron répondait, je cite de mémoire « la droite, c’est la liberté qui oublie parfois l’égalité, la gauche c’est l’égalité qui oublie parfois la liberté ». Ce n’est pas une formule, c’est un aveu. L’aveu qu’il ne sait pas ce qu’est l’âme de la République.

Nous, nous savons qu’il n’y a pas de liberté sans égalité. On est pas libre quand on crève de faim, quand on subit le sexisme ou les discriminations. On est pas libre quand on est frappé par les injustices et les inégalités.

Alors à nous, d’ouvrir un nouveau temps des conquêtes.

Malraux disait que la Liberté ne se conjugue pas au conditionnel. Alors conjuguons là au future, et, si je puis dire, au futur désirable.

Des libertés nouvelles, il en existe tant à bâtir, mais je n’en citerai que quelques-unes, que nous mettrons en débat avec tous nos partenaires de l’écologie et de la gauche.

A L’Ecole d’abord, parce qu’elle est le coeur battant de la République, qu’elle est le lieu d’apprentissage de la liberté, où s’éveillent les consciences et où se forgent les citoyens.

Malgré des décennies de politiques parfois bonnes, l’Ecole Française demeure encore un lieu de reproduction des inégalités, tel un hôpital qui ne soignerait que les patients déjà en bonne santé.

Nous devons repenser l’Ecole de la République, inventer, innover, avec les personnels de l’éducation nationale, pour réussir une véritable révolution pédagogique et des moyens qui brise les déterminismes. Une Ecole qui donne à chacune et à chacun les instruments de son émancipation, de sa conscience du monde et des enjeux de notre époque : le climat, la fraternité.

Le revenu universel ensuite. Il est un puissant moteur de liberté dans l’ordre économique et social. Il est aussi la matrice d’un nouveau rapport à la société, à ce que nous pouvons construire de commun. Il est la réponse la plus crédible à l’impératif d’éradication de la pauvreté, qui est la première privation de liberté. Et il faudra commencer par la jeunesse, qui est plus durement touchée par la précarité, et qui demande, simplement, les moyens de conquérir son autonomie et sa liberté.

L’écologie est une liberté. Nous ne serons pas libres dans une planète en surchauffe. De la même façon, il ne peut y avoir d’écologie sans liberté, sans un élan populaire et une adhésion du plus grand nombre aux changements radicaux qu’implique la transformation de notre modèle pour libérer l’économie du carbone, pour préserver la biodiversité et pour sortir des mythes productivistes obsolètes, hérités d’un passé révolu.

Quand l’effondrement démocratique menace, sous le poids colossal des coups rudes portés aux libertés et à la citoyenneté mais aussi parce que les limites de la 5ème République privent d’oxygène un peuple qui aspire, simplement à maîtriser son destin et à préserver sa dignité, alors il nous faut passer à une République nouvelle.

Cette 6ème République ne peut être que citoyenne, écologiste, féministe, antiraciste et respirable !

Chers amis, nous sommes réunis ce matin pour les libertés, pour la démocratie. Face au vertige de l’Histoire, nous pouvons transformer nos colères en espoir. C’est à cela, que Génération.s s’attèlera, avec chacune et chacun de vous.

Discours du 6 décembre 2020Meeting numérique de Génération.s« Liberté, nous écrivons ton nom »

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