Joël Le Scouarnec vient d’être condamné à … dans un procès historique : le plus important jamais tenu en France pour des faits de pédocriminalité. Près de 300 victimes, 30 ans de violences dans l’impunité la plus totale, malgré de multiples alertes.
Au lendemain de l’audition de François Bayrou sur ses mensonges concernant Bétharram, les deux affaires illustrent une même réalité : de l’école à l’hôpital en passant par le foyer, les violences contre les enfants font système. L’impunité et la silenciation ne sont pas des dysfonctionnements, elles sont la règle.
La pédocriminalité est érigée en tabou sociétal fondamental, mais c’est sa dénonciation qui dérange, bien plus que les faits, qui sont endémiques. Bien trop souvent, ce sont les enfants, et celles et ceux qui tentent de les protéger, qui sont accusé·es de mentir.
Dans l’affaire Le Scouarnec comme à Bétharram, les alertes ont été nombreuses, et les autorités ont fermé les yeux. Condamné en 2005 pour détention d’images pédopornographiques sans obligation de soins, le chirurgien a continué de sévir jusqu’en 2017, sous le silence complice du Conseil de l’Ordre des médecins.
Selon le Conseil de l’Europe, un enfant sur cinq subit des violences sexuelles. C’est 20% de la population. Psychotraumatisme, douleurs et maladies chroniques… les conséquences sur la santé physique et psychique des victimes tout au long de leur vie sont immenses et encore méconnues.
Malgré cette réalité insupportable, la réponse politique est quasi inexistante. En témoigne le silence assourdissant du gouvernement suite à ces affaires : les revendications des collectifs de victimes sont ignorées, et rien n’est mis en place.
La Ciivise( Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) chiffre le coût de ce déni collectif à 10 milliards d’euros par an.
En 2023, dans un rapport historique, la Ciivise a formulé 82 recommandations précises pour protéger les enfants. Sa publication s’est soldée par… le renvoi du président de la Commission, au travail pourtant unanimement salué. Et par-delà les effets d’annonce, la mise en œuvre des recommandations peine à voir le jour.
Nous ne pouvons plus attendre une prise de conscience qui n’a que trop tardé. Au-delà des condamnations pénales individuelles, c’est toute notre société, et la manière dont elle considère les enfants, qu’il faut transformer.
Les solutions existent, à commencer par l’écoute des victimes et des expert·es.
Une société qui protège réellement les enfants doit reconnaître le caractère systémique des violences et y apporter une réponse globale. Par exemple :
- Donner aux enfants les armes pour comprendre les violences et se défendre, avec une éducation à la vie sexuelle et affective ambitieuse dès le plus jeune âge.
- Former les adultes à la détection des signes, à l’écoute de la parole des enfants, et généraliser un dispositif de remontée d’alerte systématique dans toutes les institutions
- Protéger les lanceurs d’alerte, et écarter à titre préventif tout adulte mis en cause de tout contact avec les enfants
- Accompagner psychologiquement, juridiquement et socialement les victimes, et construire une justice qui répond à leurs besoins et ne les traumatise pas une seconde fois
- Instaurer l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineur·es, pour garantir un accès à la justice tenant compte des mécanismes de silence et d’amnésie traumatique
- Renforcer le rôle et les moyens de la médecine scolaire, pour ouvrir des espaces de paroles pour les enfants et permettre la détection des violences dès le plus jeune âge
Tout reste à faire pour mettre fin au fléau des violences pédocriminelles.Nous nous tenons aux côtés des victimes et nous les croyons. Ecouter leurs revendications et leurs propositions est une première étape indispensable.